Patrimoine bradé aux enchères ?

« La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. »

Émile Henriot

 

Et si nous perdions volontairement notre patrimoine ? Volontairement oui.

Le raccourci est raide, j'en conviens. Mais je vais vous expliquer mon raisonnement. Parlons un petit peu de Sus. Petit village de même pas 400 âmes. Ces derniers temps, cette commune limitrophe de Navarrenx a beaucoup fait parlé d'elle via la vente d'un de ses châteaux. Enfin, la mise aux enchères. Enfin, la menace de mise aux enchères. Bref c'est le bordel. Ce n'est pas la première fois que ce château, privé, risque de changer de propriétaire. Mise à prix, si vente il y a : 20 000 euros. 20 000 putains d'euros pour un château blindé d'histoire.

Pour piqûre de rappel, ce château dit de Fligny est répertorié aux archives départementales dès 1281. Ce château n'en n'est pas un, mais plutôt une belle maison de maître. En mai 1820, la château et son domaine de six hectares ont été vendu aux Saint-Cricq, alors propriété du Marquis de Jasses. Ce château sera le château d'enfance de Caroline de Saint-Cricq, fille du Comte Pierre de Saint-Cricq, député des Basses-Pyrénées dans l'arrondissement d'Orthez. Caroline était très amoureuse du compositeur hongrois Franz Liszt, et le sera toute sa vie, malgré un mariage (malheureux donc). Cette famille,et surtout Caroline, restera liée à Sus, via le domaine Nitot. Dans une histoire plus récente, ce château a abrité un aérium, un établissement de repos au grand air pour les enfants ou adolescents. Puis, c'est l'ADAPEI qui a occupé les murs du château, où de nombreuses sussoises y ont travaillé. Le propriétaire des lieux n'a jamais souhaité vendre la battisse à l'ADAPEI, et n'en sera donc que locataire jusqu'à son départ dans les années 1980. Encore aujourd'hui privé, ce château n'est pas visible habituellement depuis le village. S'il l'est, ce n'est qu'en hiver, une fois que toutes les feuilles des arbres qui le cachent sont tombées.

Et si ce château était vendu ? Après tout. A la commune ou tout autre institution territoriale. Ce château tombe en ruines, et les avis sur les réseaux sociaux (révélateurs comme à leurs habitudes des tréfonds des sombres pensées humaines) laissent hésiter entre la réhabilitation et la destruction.

Optons pour la réhabilitation (et laissons de côté la destruction avant que je ne devienne vulgaire). La commune en devient propriétaire. Que va-t-elle en faire ? Pourquoi pas surfer sur la récente obtention du label « Plus Beaux Villages de France » de Navarrenx ? Monter un musée à quelques kilomètres d'un village qui risque de voir sa fréquentation touristique augmenter de plus de 30% n'est pas un défi si osé que ça. 22 pièces composent cette magnifique battisse. Il n'y a pas de quoi faire de jolies salles, sur l'histoire du Béarn, de Navarrenx, de Sus et de ses alentours ? Il y a bien sûr le Centre d’Interprétation de Navarrenx qui est génial, mais un tel musée à Sus... l'actuelle propriétaire du château a des projets pour ce château. Celui d'un parc botanique entre autre. Splendide idée, qui pourrait être parfaitement complémentaire au musée. Aller, parce que je suis gourmand, il y a même de quoi faire une salle détente et une boutique souvenirs. Il y a largement de quoi faire un musée, un jardin botanique et un parking en conséquence. A mi-chemin entre la citadelle béarnaise labellisée et le domaine Nitot (centre d'activités en devenir).

A la base, je pensais que le lieu parfait pour un tel projet était l'ancienne gare de Sus, plus proche des grands axes routiers, plus modestes aussi. Mais bon, des gens y habitent aussi... mais là n'est pas la question.

La commune, la communauté des communes, le conseil général, la région... je suis un Bisounours, j'entend bien, mais ça en fait des investisseurs potentiels non ? Vous avez le choix. Soit la propriétaire prend le risque de remettre en vente ce château dans quelques années, soit une collectivité en hérite, soit la communauté d'obédience chrétienne qui répond au nom de Tabitha's Place la rachète. Elle a les moyens, je vous assure. La secte, déjà on ne peut plus ancrée à Sus se ferait un malin plaisir d'acheter ce château. Ceci dit, ils seraient bien cons de ne pas vouloir le faire : ils ont la main d’œuvre gratuite pour rénover le bâtiment. Je suis totalement contre, et m'y oppose fermement. Votre choix ? Le mien est fait.

Ne pas agir, n'est-ce pas là une façon de délaisser volontairement son patrimoine ?

 

Cet article n'engage que moi, et en aucun cas la commune de Sus ou la propriétaire des lieux.

 

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Archive de Georges LASSALLE,

publiée dans Caroline de St Cricq & Franz Liszt, un amour impossible de Marie BAULNY

(Cercle Historique de l'Arribère).

 

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